PROMENADE ENCHANTEE - Le Parc

Promenade enchantée, petits contes de l'au-delà : Le Parc

La Forêt enchantée

enluminure Et nous commencerons la visite par cette forêt enchantée
Où les arbres ne sont pas tout à fait des arbres
Mais des essences d’âmes
Qui pleurent leur sève de tant de souffrance
Qu’elles espèrent à chaque printemps
Régénérer une humanité meilleure
Mais un vent mauvais vient chaque automne
Leur arracher les feuilles de l’espérance
Pour en faire un tapis d’illusions
Etouffant les racines même des patriarches.
Alors la souffrance redouble et embellit
Le sang des plus belles veines,
Renforce leur résistance
Et dans une coulée de sève renouvelée
Fait parfois éclater au grand jour de si pures larmes
Que le Créateur en est rouge de honte
Et part se coucher, honteux mais rayonnant,
Car il y aura encore, cette fois-ci, un lendemain.

Le Lac des Signes

enluminure Puis nous visiterons le Lac des Signes
Cet endroit étonnant au plus profond de nos êtres,
Ce trou noir de la conscience où comme un loir
Dorment les 5 sens,
Ce lac de l’invisible où la raison se noie.
Tu verras sous les joncs s’agiter la surface
Puis se former sans peine une onde concentrique,
Une onde de lumière qui sort son cou de l’eau,
Toise les horizons, choisit sa direction
Sans compromis ni bassesse, puis se dresse
Dans toute son amplitude et majestueusement
File à la surface du destin pour un tour de Vie
Avant de replonger chercher dans les profondeurs
Quelques nourritures spirituelles
Et quelque nouvelle énergie
Pour un nouveau tour de piste.

La Caverne d'Ali Baba

enluminure Nous nous arrêterons dans la caverne d’Ali Baba,
Une immense grotte à ciel ouvert au pied de tous
Un gigantesque caméléon tout près de nous
Qui prend la forme et l’apparence de notre décor immédiat
Et dont on ne peut donc constater l’existence.
Une évidence si flagrante que notre cerveau l’efface,
D’un de ces grands coups de gomme qu’il sait donner
Lorsqu’on ose s’imposer à lui ou déranger son ordre ;
Une grotte pour tous dont le cœur pur est le sésame,
Un ouvre-toi tout ouvert qui se dévoile
Lorsqu’on regarde en soi en ouvrant les fenêtres
Pour laisser filtrer la lumière intérieure
Et trouver dans les recoins poussiéreux
Quelques précieuses richesses
Pour les donner aux autres.

Le Canyon du Silence

enluminure Devant nous le Canyon du Silence,
Qui marque la limite du rapprochement des êtres
A quoi bon tout savoir, à quoi bon tout connaître ?
Vois cette faille profonde dans la chair intime,
Ne raconte-t-elle pas suffisamment l’histoire ?
Vois ces entailles, ces souffrances,
Ces affaissements successifs des entrailles
Portés par les coups du sort,
Admire la beauté des couches intérieures
Et la force de résistance qui les habite.
Longe le fleuve vers la Source
En compagnie de l’autre rive,
Serpentez en complices
Dans la plus grande intimité de la nature
Mais ne brisez pas celle du Silence
Sous peine qu’il vous engouffre
Dans son canyon.

La Maison de l'Ogre

enluminure Nous voici devant la maison de l’Ogre.
C’est un Ogre moderne, un as de la finance.
Il attire les brebis en leur offrant leur chance,
Déposant dans les champs,
Régulièrement,
Sur un chemin tortueux,
Des billets de 5, 10, 20, 100 dollars,
De moins en moins espacés
Et ainsi à chaque mètre de vie
Les brebis se rapprochent implacablement
De son antre où déjà rugit le feu
De joie. Et de cette vie d’avide
Ne restera bientôt qu’un délicieux méchoui,
Et, dans la Panurgie voisine,
Quelques bergers désespérés
Philosophant avec leur chien
A la belle étoile.

Le Plateau des Poètes

enluminure Nous grimperons sur le plateau des poètes.
C’est de là que la vue est la meilleure :
Dans la globalité et dans la profondeur.
Nous y attendrons la tombée de la nuit
Et quand la mousseline de pénombre
Viendra recouvrir les bruits du jour
Et la lumière trop intense
Dont les hommes ont besoin
Pour se faire bien voir,
Tu sortiras de ta poche ton sac de murmures
Et moi ma machine à confetti
Puis nous inscrirons sur chacun
Un murmure poétique.
Et d’un geste large et généreux
Vers le jardin terrestre,
Nous sèmerons ces graines de poésie
Afin qu’il y ait toujours des fruits
Pour nourrir
Les restes de sensibilité humaine,
Du moins
Tant qu’il y aura des jardiniers.

Le Sapin de Noël

enluminure Ici se trouve le plus beau sapin,
Chaque aiguille est une âme d’enfant
Volée à la Vie par la guerre ou la maladie,
Les catastrophes ou les accidents.
Elles sont venues ici, naturellement,
Car à chaque Noël on les décore
Avec des guirlandes, des boules de couleur
Et avec ces serpents de lumière
Qui clignotent comme elles,
Comme des phares sur les côtes,
Echangeant des signaux entre la Terre et le Grand Large.
C’est un instant magique où elles revoient leur famille
Réunie heureuse autour de leur sapin,
Ouvrant leurs chaussettes,
Leurs chaussures ou leurs cadeaux.
Et chacune voit bien pourtant
La profonde douleur toujours présente
Sous l’emballage du sourire des parents.
C’est pour cela qu’elles la transforment en une force
Qu’ils recevront à chaque pensée
Et en patience,
Le temps de se retrouver au pied du grand sapin.

L'Arbre à Poèmes

enluminure Il y a bien longtemps était ici planté l’Arbre à poèmes.
Un bel arbre avec un cycle journalier,
Printemps le matin, automne le soir.
Tous les soirs une feuille filait vers la Terre
Et se glissait dans un rêve d’enfant,
Ici ou là, au gré du vent,
Sans distinction de classe ni de race.
Le matin les jardiniers travaillaient dur
Pour que le printemps soit fructueux
Et les enfants y furent si sensibles
Qu’ils commencèrent à aider les jardiniers,
Recueillir les feuilles, apporter de l’engrais,
S’organiser pour que poésie s’implante aussi chez eux.
Alors il fut décidé de transplanter l’arbre sur Terre,
Et la chose fut faite,
Dès qu’on eut trouvé l’âme capable
De vivre dans les deux mondes.

La Cascade du Temps

enluminure Voici la plus authentique représentation du Temps.
C’est là qu’il s’écoule. Une vraie cascade,
Un flux régulier que l’on croit sans pitié
Car il vient vous écraser contre les rochers
Au fond du ravin.
Fort peu sont ceux qui s’en sortent indemnes
Et peuvent alors nager agréablement dans le lac inférieur.
C’est du moins ce que retiennent les touristes de passage.
Mais ce qu’ils ne peuvent voir,
Car il faut avoir observé longtemps,
C’est que le Temps s’évapore dans le lac inférieur
S’échappant en brumes, en vapeur, en nuages
Pour aller réalimenter toutes les sources
En neiges, averses, orages
Et boucler ainsi le cycle.
Et si l'on ne peut remonter directement la chute du Temps,
On peut cependant se glisser dans ses brumes,
S’évaporer dans ses nuages
Se laisser porter dans les recoins du cycle
Et y croiser les autres vrais voyageurs.

La Chaumière des Nains

enluminure Voici la chaumière des nains,
Une minuscule masure
Qui sert à la mesure
De la vraie taille des grands de ce monde.
Vous seriez étonnés du résultat.
On les ramène ici à leur juste proportion
Et leur taille une Blanche Neige
Qui fait le ménage en leur tête
Et remet les choses en place
Quand ils rentrent du boulot.
Le soir, elle glisse quelques remontrances
Dans leur pitance
Et la nuit quelques conseils
Dans leur sommeil.
C’est grâce à elle que le monde
Tient encore à peu près sur ses rails,
Bien qu’on essaye souvent
De lui empoisonner la vie.

Le Grand Chêne

enluminure Patriarche de Vérité.
Ainsi se définit le grand chêne de la clairière aux sages.
Il absorbe en sa sève les pensées les plus sages
Et à l’heure des printemps millénaires
Laisse tomber quelques glands
Sur les cinq continents.
Naît alors en chaque lieu un livre sacré.
Mais hélas on le déforme, le complète,
Le détourne, le reprend à son compte,
On en fait un but en soi,
Alors qu’il n’est qu’un morceau du puzzle.
Ici par contre le chêne offre toute la splendeur
De son Tout.
Il faut être deux êtres purs pour en faire le tour
Et fusionner ses ondes
Pour que s’ouvre la porte de son tronc creux
Où sur l’écran intérieur
Est reconstituée l’image complète.
L’âme en reste le cul par terre.

La Grotte aux Sorcières

enluminure Vous pensez certainement qu’on les a ici emprisonnées,
Isolées, pour qu’elles ne viennent pas ternir le paysage ?
C’est une erreur.
La caverne des sorcières est l’antichambre de la Vie,
Ses couloirs et toboggans la relient au monde d’en bas ;
Les sorcières en sont les gardiennes et les guides.
Elles gèrent, et préparent lorsque nécessaire,
Les allées et venues.
Un passage direct n’est jamais possible,
Sauf pour les anges gardiens.
Les autres, quels qu’ils soient,
Doivent être préparés,
Quel que soit le sens du voyage.
Sans préparation, les contacts entre les mondes
Sont sans appel et les voyages sans retour.
Il faut une longue préparation
Et un bon guide.
C’est souvent par précipitation
Que les entreprises échouent.
Les sorcières n’en sont pas responsables.
Laissez-les œuvrer en paix.

Le Pont du Sourire

enluminure Le sourire est un des leviers des âmes,
D’un maniement complexe et délicat.
Il sert de passerelle de l’une à l’autre,
Une passerelle où chacune se reflète
Dans l’eau du regard de l’autre.
Le Pont du Sourire est conçu pour apprendre
Et distinguer le sourire authentique.
Lorsque des sourires affectés ou de circonstance
S’y aventurent, il referme ses lèvres
Puis s’évanouit sous leurs pieds
Et le bain glacé qui s’en suit
Remet les idées en place.
Mais lorsque s’approche un sourire authentique
Alors il se transforme en gondole
Et vous mène en promenade
Sur les canaux du Paradis.